Les leçons des crises financières passées
Guerre en Ukraine, inflation, pandémie, les mauvaises nouvelles pleuvent et influencent évidemment le marché et les investisseurs. Si cette situation est sans précédent, on constate certains points communs avec des crises du passé et les leçons alors apprises pourraient bien être utiles et aider à mieux faire face à la situation actuelle.
CRISE DES ANNÉES 1970
La crise du pétrole survenue il y a maintenant 50 ans nous rappelle dangereusement la situation actuelle. Pour rappel, en 1973, l’OPEP avait imposé un embargo pétrolier aux États-Unis pour les punir de leur soutien à Israël lors de la guerre du Kippour. Résultat : le prix du pétrole a décollé dans les mois qui ont suivi.
Cette hausse a eu un effet sur l’inflation qui a dépassé les 13 % en 1980, soit le double de ce qu’elle était avant cette crise. Finalement, cela a conduit à une stagflation, soit la combinaison entre une croissance économique lente, une hausse constante des prix et un taux de chômage élevé.
En réaction à la stagflation, les investisseurs ont quitté le marché et le S&P 500 a chuté de 17 %. Un an plus tard, l’indice a encore reculé de 30 %. Toutefois, l’indice a fini par remonter de près de 32 % en 1975 sans avertissement.
Aujourd’hui, le chômage est encore faible et la demande de biens et de services est élevée. L’inflation est loin d’ailleurs d’être celle observée dans les années 70, tout comme le prix du pétrole. Sans compter que, bien que les instruments à revenu fixe étaient beaucoup plus rémunérateurs dans les années 1970 et dans les années 1980 que c’est le cas aujourd’hui, le marché est certainement mieux préparé pour répondre à cette situation que par le passé.
Un investisseur ne devrait jamais sous-estimer la patience et le courage qu’il faut pour survivre à un marché baissier
LA RÉCESSION DES ANNÉES 1981-1982
Cette crise découle essentiellement d’une décision de la Réserve fédérale (Fed). Pour lutter contre l’inflation, Paul Volcker, alors président de la Fed, a fait passer le taux des fonds fédéraux d’environ 11 % en 1979 à 20 % au milieu de l’année 1981, déclenchant ainsi la faillite de nombreuses institutions d’épargne et de prêt. Dans les années 1980 et au début des années 1990, plus de 3 000 d’entre elles ont fait faillite. Comme ces dernières étaient assurées par le gouvernement fédéral, cette série massive de faillites a fini par coûter plus de 100 milliards de dollars aux contribuables américains.
Certains observateurs comparent la politique de la Fed de l’époque, qui consistait à relever les taux d’intérêt pour contenir l’inflation, au resserrement monétaire d’aujourd’hui. Mais d’autres soulignent des différences significatives.
À cette époque, par exemple, les taux d’intérêt à revenu fixe étaient beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui.
Mais même là, après environ deux ans de mesures correctives de la part de la banque centrale, l’économie s’est retournée, les investisseurs ont pu profiter de l’un des plus grands marchés haussiers d’actions et de titres à revenu fixe depuis des décennies.
LE LUNDI NOIR
Si les investisseurs ont connu un moment de manne dans ces années-là, ils ont également dû faire face au « lundi noir », soit le 19 octobre 1987, jour où les marchés américains ont chuté de plus de 20 %!
Cette chute a été attribuée principalement à la négociation pilotée par des programmes informatiques, une activité encore nouvelle à ce moment, où les algorithmes de négociation pouvaient déclencher des milliers d’ordres en même temps. Ce mouvement s’est amplifié quand les investisseurs ont paniqué à leur tour.
La Fed a rapidement agi pour réduire les taux d’intérêt et inciter les banques à fournir des liquidités abondantes. Les bourses se sont également efforcées de bloquer les échanges de programmes, en instituant des « coupe-circuits ».
Au bout de 18 mois, les actions se sont rétablies et le marché à la hausse a repris de plus belle.
LA BULLE DOT-COM DES ANNÉES 90
Malheureusement, ce marché haussier a rapidement été emporté par l’excitation spéculative, largement alimentée par les start-ups technologiques. De 1995 à 2000, l’indice Nasdaq, très axé sur la technologie, est passé de moins de 2 000 à plus de 7 800.
Tout le monde abandonnait la diversification pour miser à leur tour sur les technologies et profiter de la manne. En 2001, la bulle a éclaté et le Nasdaq est passé sous la barre des 2 000 points en septembre 2002, soit une chute de près de 75 % par rapport à son sommet de mars 2000. Il lui a fallu 13 ans pour retrouver sa valeur.
Alors que la récession s’éternisait, la Réserve fédérale a baissé les taux d’intérêt pour tenter de stimuler l’économie.
La leçon à tirer de cet événement est évidemment de ne pas se laisser guider par ses émotions et ne jamais oublier les bénéfices de la diversification.
LA RÉCESSION DE 2008
Les taux hypothécaires ont baissé régulièrement, passant d’environ 8 % en 2000 à moins de 6 % en 2003. Cela a provoqué un boom immobilier poussant les consommateurs à acheter des maisons qu’ils ne pouvaient pas se permettre.
Pour ralentir l’économie, la Fed a augmenté progressivement les taux d’intérêt. Les personnes qui avaient acheté des prêts hypothécaires à taux variable lorsque les taux étaient très bas se sont soudainement retrouvées dans l’incapacité d’honorer leurs paiements.
Les « subprimes », soit les prêts immobiliers spécialement conçus pour les emprunteurs ayant une faible solvabilité, ont empiré encore la situation. En réaction à la situation d’économie, les prêteurs subprime ont augmenté les taux de manière drastique, condamnant nombre de leurs clients à la défaillance.
Commence alors la Grande Récession où près de 9 millions d’emplois ont été perdus aux États-Unis entre 2007 et 2010, selon le Bureau of Labor Statistics.
Au fil du temps, la Fed a de nouveau abaissé les taux d’intérêt directeurs pour favoriser les liquidités et a accordé près de 8 000 milliards de dollars de prêts aux banques, dans le cadre d’une politique appelée « assouplissement quantitatif ». En 2009, le Congrès a alloué 800 milliards de dollars supplémentaires pour les allocations de chômage, les dépenses d’infrastructure, les réductions d’impôts et d’autres dépenses visant à stimuler l’économie. Ces différentes mesures ont aidé à inverser la déflation.
Les marchés se sont améliorés. L’indice S&P 500, qui avait perdu plus de 38 % en 2008, a bondi de plus de 23 % l’année suivante et nous avons eu droit au plus long cycle haussier aux États-Unis.
LA COVID-19 ET AUJOURD’HUI
En mars 2020 est arrivée la COVID-19, entraînant un arrêt de l’économie mondiale. Le gouvernement fédéral a injecté de l’argent dans l’économie pour la maintenir à flot, mais deux ans plus tard, la demande dépasse toujours l’offre.
Toutefois, cette situation est différente de celles observées dans le passé. La crise ne découle pas d’une mauvaise gestion, mais plutôt d’un facteur externe, soit une pandémie.
L’aide financière importante que le gouvernement a injectée a stabilisé les finances des entreprises et des consommateurs a finalement accéléré le rythme de la reprise, mais celle-ci n’a pas pu suivre la demande et a finalement été entravée par des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement et des pénuries de main-d’œuvre.
L’inflation actuelle est donc essentiellement due à l’écart entre une demande élevée et une offre insuffisante. La guerre en Ukraine est venue encore aggraver la situation.
Toutefois, les crises du passé nous montrent qu’il est important de ne pas paniquer et de rester discipliné et d’éviter d’apporter des changements radicaux aux portefeuilles. Les marchés ont historiquement résisté à de nombreuses crises et événements géopolitiques.